La mosaïque ci-dessous (cliquer pour agrandir) capture l’intensité des moments d’écriture des participants à l’atelier d’exploration géo-poétique des territoires des 24-25 octobre 2020 et de son animateur Julien Moreau. Excuses à Mireille qui n’a pas été photographiée.
Archives de catégorie : productions
Textes produits lors des ateliers
Polychronies
En attendant une restitution plus complète des événements autour de Marie Cosnay et en particulier de productions de l’atelier d’écriture, voici un enregistrement des Polychronies dont la première performance publique a eu lieu le 2 décembre au Petit Théâtre de la Gare.
Autour de l’atelier animé par Juliette Mézenc
L’atelier animé par Juliette Mézenc au Baluchon à Lourdes autour du thème des chambres d’écriture a réuni 15 participants les vendredi 20 et samedi 21 novembre 2015. Auparavant une rencontre avec l’auteure invitée de cette saison a eu lieu le jeudi 18 novembre 2015 à la librairie Le Square, principalement centrée sur son livre Elles en chambre. Dans la suite de l’atelier, Juliette Mézenc et Stéphane Gantelet ont fait une lecture-performance au Petit théâtre de la Gare à Argelès-Gazost, en deux parties consacrées respectivement à Elles en Chambre et au Journal du Brise-Lames, chacune combinant la lecture de textes et la constructions par Stéphane Gantelet d’environnements 3D dont l’exploration faisait écho aux textes lus.
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Échos de l’atelier poésie d’octobre 2015
Cet atelier s’est déroulé à la Maison du Parc et de la Vallée de Luz Saint-Sauveur. Il n’a réuni qu’un petit nombre de participants mais un travail intense et amical s’est développé tout au long des deux journées. L’atelier reposait sur une succession de pratiques de lecture et d’écriture, souvent autour de travaux de poètes publiant sur le Web. Ce billet ne rend compte que d’une partie des exercices et travaux de l’atelier et de sa restitution avec accompagnement musical. Un grand merci à l’équipe de la Maison du Parc et de la Vallée pour son accueil.
Textes, lectures et accompagnement musical : Chantal, Éric, Julien, Léo et Pierre.
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823543 tentatives d’épuisement d’un lieu lavedanais
L'atelier d'écriture initial s'est déroulé les 6 et 7 juin 2014. Le premier après-midi, nous sommes partis des todo-listes de Christine Jeanney, chacun se livrant à cet exercice sur une photo choisie parmi celles proposées par les participants. Le deuxième après-midi, c'est la tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Georges Perec qui nous a servi de point de départ. Nous l'avons appliquée à un lieu du petit village lavedanais où se déroulait l'atelier : les cours entourant la mairie-école d'Arcizans-Avant. Nous restituons ici ce travail très riche. Les textes notés par les 7 participants ont été découpés chacun en 7 parties, et à chaque chargement de cette page web, c'est une combinaison différente de ces parties qui vous est proposée. Comme les parties restent à leur place dans le temps, c'est une sorte de voyage d'un esprit à l'autre dans un lieu et un temps partagés qui vous est proposé.
La cloche sonne quatre heures de l'après-midi, le son s'évapore progressivement, le chant des oiseaux reprend le relais. Je suis assis sur un rebord en béton.
Charles et Philippe reviennent, ils sont allés chercher deux chaises et la cloche sonne encore quatre coups. Charles s'approche de moi, il sourit et fait attention à ne pas me déranger.
Je tourne la tête vers la droite, Clément, Sylvie et Cambria sont imprégnés par leurs feuilles de papier stylo à la main.
Un potager, des jardinières d'où jaillissent diverses fleurs de diverses couleurs, puis l'ennui, déjà...
Un mur frais à mon dos.
Un stylo publicitaire Orangina.
Un cahier acheté à Madrid, appuyée contre mes jambes (les genoux sont peu esthétiques).
Des chaussures rose-orangés.
Des feuilles mortes, mais toujours vertes, sous mes pieds (ils semblent s'accrocher désespérément à la vie).
Une chaussure rouge tantôt se balance comme une pendule, tantôt tourne, tantôt reste immobile.
Un sol gris, réjouissant d'être à l'ombre,
Des fissures.
Un mur frais à mon dos.
Un stylo publicitaire Orangina.
Un cahier acheté à Madrid, appuyée contre mes jambes (les genoux sont peu esthétiques).
Des chaussures rose-orangés.
Des feuilles mortes, mais toujours vertes, sous mes pieds (ils semblent s'accrocher désespérément à la vie).
Une chaussure rouge tantôt se balance comme une pendule, tantôt tourne, tantôt reste immobile.
Un sol gris, réjouissant d'être à l'ombre,
Des fissures.
I. Il fait grand beau, un ou deux nuages à peine dignes de ce nom qui flottent, plus lourds sur le massif du Néouvielle la bas au fond. Je suis assise sur le pallier extérieur de la Mairie, face au sud-ouest. Les jambes au soleil, la tête à l’ombre (pas pour longtemps).
Sur la place devant moi beaucoup de goudron, des paves en béton octogonaux, un petit arbre (un hêtre) aux feuilles rouges et au pied serré, un panier de basket minimaliste, des géraniums. Un préau assez grand qui abrite la plupart de mes compères, des feuilles mortes, des peintures rupestres, une affiche jaune fluo qui annonce une kermesse, je ne peux pas lire d’ici si elle est future ou passée.
Derrière le préau un bâtiment a pans de bois bleus, géraniums sur le muret, un grand panneau « non a la traversée ».
Des sons – les merles surtout, la cloche de l’église, des travaux au loin, on dirait qu’ils déchargent de grosses pierres. La brise qui soulève des feuilles et fait frotter les branches d’arbres les unes contre les autres. Ce qui passe le plus ici ce sont les feuilles mortes. Mais voilà une voix d’enfant – une fille en short rose fuchsia, aux cheveux longs, de sept ans environ, accompagnée de ses parents, passe et nous demande ce qu’on fait. Ils continuent en direction de la petite cour attenante de l’école. On entend aussi le bruit indistinct de routes assez lointaines, les pas des écrivains déambulateurs, le crissement de leurs chaises en plastique.
Chants d’oiseaux de cour d’école, mais les enfants ne sont pas là.
Un arbre unique siège au milieu de la cour (de mairie ? de l’école ?). Il frémit à peine.
Dispute de moineaux sur le portail en fer de la maison la plus proche. Même les oiseaux ont le sens imbécile de la territorialité.
La cloche sonne, deux fois. L’école a-t-elle une sonnerie ?
Tout contre le préau, une petite annexe avec un bardage en bois bleu, une porte avec une fenêtre ronde, un œil unique, qui fait ressembler le bâtiment à une entré de boîte de nuit. Une pancarte, assez grande, très voyante, ne signale pas aux gens de ne pas faire de bruit, mais porte la revendication, juste, que la vallée ne devienne pas un couloir à trains et à camions. Deux géraniums en gardent solennellement la parole.
Coup de vent furtif.
Des grands mots (Liberté-Égalité-Fraternité) sous un portrait stylisé et tricolore (Lætitia Casta ?)
Les WC de l'école. Un seul cube en béton, mais deux portes à l'intérieur.
Une boîte aux lettres accrochée au cube en béton. 3 prénoms dessus : Cécile, Jocelyn, Hédia.
Une famille passe. "Bonjour, au revoir" dit la petite fille.
Une plate-bande qui doit recevoir le soleil le matin. Primevères, pensées et de petites fleurs violettes dont je ne sais pas le nom.
Ligne à haute tension, elle parcourt ensuite toute la vallée vers Pierrefitte, puis Viscos.
Une fillette est arrivée dans la cour, elle se demande ce que nous fabriquons, stylo dans la main.
Ses parents la rejoignent, sourire aux lèvres et cubi de rouge à la main, le monsieur est chauve, musculature sèche et bronzée, sympathique malgré le treillis, la dame mieux habillée (c'est relatif) pantalon blanc, repassé sans tâches.
Le mal de tête qui m'étourdissait ce matin s'est estompé, alors ouverture en grand, vers dehors, un oiseau invisible pile en face de moi, tire mes pensées vers l'avant : Arcizans-Avant.
Du grillage gris, un portail gris, du béton gris, un poteau électrique gris, plus de matière grise, du gris entre-coupé de marron, mais encore du gris, un lampadaire gris, une overdose de gris.
Puis du rouge, du rose, du fuchsia, du vert, du jaune, le bleu du ciel, mais trop tard, le gris se détache aussi du ciel.
Des mots et des couleurs, exprimant des idées absurdes, sur un sac.
Le vent fait courir les feuilles.
Du bleu sous un toit, qui laisse apercevoir le bleu du ciel, par un trou rond comme les fenêtres des bateaux à la mer.
Du bleu, du vert, du gris, du rouge, du rose, du violet, du marron, du beige, du noir, du blanc, du jaune, de l'orange, de l'indescriptible (il doit cependant avoir un nom dans les catalogues de Castorama).
Une fenêtre qui ressemble à une porte.
Des stylos qui s'agittent.
Des expressions pensives.
Un bracelet, des cheveux blonds, des bras fins passent.
Et repassent. Des lunettes de soleil.
– encore des voix d’enfants, plaintives cette fois –
des ouvertures a peine esquissées recouvertes d’ardoises. Le corps trapu, étroit, haut, et à l’autre bout du toit une cloche sous sa toiture isolée. Le reste de l’église caché par une maison bigourdane. Les volets de 3 des 4 fenêtres du 1er étage sont ouverts, ceux de la 4e fermés. On devine, derrière la haie, comme l’esquisse d’une tente – marquise ? étendage a linge ?
J’ai les pieds qui brulent. Les fesses qui s’endorment sur la marche où je suis assise.
D’autres maisons qui encadrent le parcours enchevêtré des ruelles, leurs toits – tous refaits récemment – reflètent le soleil, plus ou moins éblouissants.
Au loin, une stèle trône solitairement dans son écrin de fleurs roses et de verdure, dernier vestige d’un rêve de sable, de clairon et de gloires militaires oubliées. Un monument villageois à la nostalgie coupable.
D’étranges peintures rupestres, et ce n’est pas une expression, émergent à côté du tableau des activités municipales, lui-même voisin d’une affiche fluo de kermesse, d’une affiche moins clinquante annonçant une réunion autour du thème de la parentalité (échange ?), et enfin une affiche tape-à-l’œil sous chemise transparente pour vanter l’activité vététesque infantile.
Rumeurs de moteur, mais ici rien de bouge (littéralement).
Coup de vent frais.
Un panier de basket pour petits accroche le regard avec ses couleurs bleu et orange. Il a l’air de s’ennuyer sans la horde de petits qui font la danse du scalp autour de lui trente cinq fois par semaine.
Une blonde vacancière, lunettes de soleil de rigueur, passe d’un pas décidé de passante décidée. Elle a le même air quand elle repasse en sens inverse.
La porte de l'école en bois à panneaux. Le seuil surtout. Petits carreaux jaunes mouchetés brisés par les passages et le gel. Ils datent de mon enfance.
Maison aux volets bleus et estafette garée sur le parking voisin.
De l'autre côté du cube en béton, une autre boîtes aux lettres : "École, pas de pub"
Deux compteurs encastrées derrière des portes en plastique? Les mêmes défigurent des millions de murs pour éviter que les employés sonnent à la porte ou se cassent le nez.
Un dalle de regard en béton.
Une antenne de télévision vieux modèles avec la TNT rajoutée dessus.
Philippe fait bande à part : il a calepin sur les genoux.
Julien est avec nous sous le préau : lunettes noires et gomina BiBop Allulla Poulpe à Fiction.
Une dame blonde du village passe en haut noir à rayures, bas noirs, elle repassera, j'ai pas envie de lui parler.
La petite fille pose La question : « Qu'est-ce que vous fabriquez ? » Quoi répondre ? Un oiseau bruyant, une envie de carabine.
Un papillon blanc qui disparaît rapidement derrière la maison qui semble garder la Mégane blanche.
Des pages qui tournent.
Une bestiole vagabonde sur ma main.
Des fils électriques traversent le ciel. Un oiseau vole au loin.
Celui qui avait chaud revient, et se plaint encore.
La bestiole semble s'être attachée à moi. Elle vole devant les yeux, réclamant l'attention.
Je regarde en haut.
Des marquages noirs aux formes indistincts. Des toiles d'araignée.
Une femme blonde qui passe, je n’ai vu que sa frange et sa queue de cheval. Rien ne bouge ici ou presque que ce que le vent chatouille. Elle repasse dans l’autre sens, t-shirt a rayures horizontales, l’air d’avoir chaud. Dans le ciel un avion laisse une trace. Trajet sud-est – nord-ouest : Barcelone – … ?
Plus près, encore une autre maison crépie, roses rouges, volets bruns. Une grappe d’antennes dipolaires à la fenêtre du grenier.
Plutôt que de voir ce qui se passe ici, on entend ce qui se passe au loin.
Une araignée a laissé sa toile entre deux balustres, très régulière, mais elle semble n’avoir rien attrapé.
Un fil électrique fend le ciel en deux.
Une voiture blanche, qui a l’air d’un crapaud, attend dans la petite cour en face du préau.
Un pylône électrique passe la tête au dessus du toit de la vieille grange qui semble endormie.
Rumeurs lointaines de tronçonneuse : il y a quelqu’un, quelque part, qui a une activité par ici !
La mairie porte le numéro 10
Des hirondelles passent.
Quelques plantes dans les fentes de béton. Signes d'espoir ou dérisoires ?
Grillage galvanisé sur poteaux bleus.
Vue immense sur la montagne : Hautacam, soum et Pic de Léviste. Villages assoupis dans le soleil d'après-midi.
Noisetiers. Une autre montagne derrière, l'Escorne-Crabe.
Badoit.
Renault Mégane blanche CK016HL65, nickel chrome, argus ch'sais pas combien.
Panier de basket, antenne hertzienne, papillon passe, tronçonneuse qui tronçonne, au loin.
Des câbles gris dans le ciel bleu, un vent qui se lève et balaye des feuilles mortes échouées sur le béton gris, le gris qui resurgit, répandant de nouveau l'ennui... de la poussière dans les yeux.
Une femme d'une cinquantaine d'années au débardeur rayé et lunettes de soleil passe d'un pas pressé, voire décidé. Elle repasse dans l'autre sens (pourquoi?).
Le vent prend forme dans les feuilles des arbres.
Un balcon : du papier, un nombre, un chapeau démesuré, un panneau, un autre nombre, des lunettes de soleil.
Des élèves assis sagement sous des dessins d'enfants.
Une falaise pour les fourmis.
Des bras qui supportent le toit.
Un chant d'enfant, qui me donne envie de rimer.
La page tourne, des mots commencent à remplir la page. Bla la bla glou glou glou, petit garçon qui passe, où allez vous ?
Des roses roses.
Des endroits ou la nature reprend légèrement son emprise sur les travaux des hommes pourtant ici si bien ordonnés. La mousse a la jointure des ardoises sur les toits cote nord-ouest. Les paves désencastrés autour du petit hêtre (on va dire que c’est un hêtre). Et dans la même veine, mais issus d’une autre volonté : ces graffitis monochromes aux allures de peintures rupestres sous le préau. Un bison, une flèche, un cerf, une tête de bison avec ses pattes avant, un cheval qui tourne le dos aux deux bisons, une série de trais verticaux avec un cercle au milieu dont je ne comprends pas la signification.
Une chouette hulule et la petite fille de tout à l’heure, invisible derrière une haie, l’imite, puis se met à imiter une sonnerie de pompiers, qui vite se transforme une chansonnette sans paroles. Ca continue assez longtemps, même après la cloche qui sonne de nouveau.
Je voulais noter le progrès des ombres. Sur mon balcon, elles sont passées de rectilignes, parallèles aux planches du sol, à environ 30 degrés d’inclinaison. Le soleil baisse mais pas sensiblement encore.
Des mots commencent à apparaître dans le babil de la fillette, mais je ne reconnais pas l’air et je n’arrive pas a distinguer ce qu’elle dit. Au loin, les sons des travaux s’amplifient et se complètent peut être d’une tronçonneuse ou tondeuse.
Les pots de géraniums ponctuent balustrades et marches d’escaliers, gardiens silencieux et discrets de la paix du village.
Au dessus de la porte d’entrée de la boîte de nuit, une fenêtre, dont on se demande ce qu’elle peut bien cacher.
Un tracteur, enfin !
Depuis le rez-de-chaussée de la mairie, une vue sur la montagne à couper le souffle, lacérée par de gros fils électriques.
On entend une petite fille qui pousse de petits jappements, suivis d’une chanson accompagnée par les cris déchirants d’une tronçonneuse.
A côté de la porte de ce qu’on devine être l’école, une plaque très solennelle scande sa devise sous une Marianne à l’air farouche : Liberté, Égalité, Fraternité.
Volets entrouverts sur la salle de classe. Sièges de maternelle.
Le lit du gave. Autrefois, lac artificiel. La nature s'est vengée de cette prétention à créer des lacs.
Jeux chantants de la petite fille.
Je n'avais jamais remarqué qu'il y avait 5 câbles sur les lignes à haute tension.
Bonjour Général.
Un enfant piaille derrière moi piou piou piou piou piou.
La perspective d'un grillage.
Premier signe d'impatience, mon sac est à côté, j'aimerais feuilleter quelques pages de Tristes tropiques je commence à m’ennuyer ferme.
Un enfant qui émet des sons incompréhensibles (par jeu sûrement), la cloche de nouveau empêche l'endormissement.
Un regard inquisiteur, en passant devant les fleurs.
Une marque de stylo sur la jambe.
Une mouche louche.
Des randonneurs.
Des mots dans le vent, des blablas, des questions, des réponses, des touristes qui se perdent, des locaux qui aident.
Un futur sportif s'entraîne.
Des commentaires sur l'évenenement.
Des distractions.
II. Place inférieure de la Mairie qui sert aussi d’école. Volets et porte fermés, deux marches – une en béton, la première, l’autre carrelée. De petits carreaux jaunes qui doivent continuer dans le couloir à l’intérieur.
Par le volet entrouvert d’une des fenêtres on aperçoit une salle – étagères, chemises, un ordinateur avec un clavier et deux casques pour écouter. Médiathèque ?
Sur le mur extérieur enduit de gris, un peu usé, le panneau Liberté Egalité Fraternité, aux couleurs vives, au dessin net, fait rapporté. Le sol – toujours macadam – est constellé de taches blanches. Chiures d’oiseau, mais pourquoi ici et pas devant l’autre moitié du même mur ? Peut-être les oiseaux recherchent-ils l’ombre comme nous.
Ici la vue est grande. Toute la vallée glacière s’étale de Lau Balagnas à Pierrefitte et je sais, même si une guérite étrange en béton (ornée d’une boite aux lettres ?) me le cache, que s’ouvre la vallée de Luz. Au premier plan, des maisons pavillonnaires nichées dans leurs jardins et de petits champs parsemés de bottes – on a déjà fait les premiers foins. Mais je me trompe, c’est le deuxième plan, car au premier le père de la petite fille s’active dans son potager. Il a le crane mi- chauve, les épaules nues et bronzées, plus que sa femme qui doit passer moins de temps qui lui au jardin.
Une buse passe, qui semble accompagner les mouvements du tracteur qui fauche non loin de là.
Les montagnes en face semblent recouvertes d’une épaisse moquette verte, ou bien d’un velours abimé.
Un grillage, gris, pas très haut, clôt l’espace, barrière entre l’école et les sommets qui, eux, ferment l’horizon.
Un homme en treillis et marcel s’improvise jardinier et passe la grelinette dans son jardin en contrebas, puis s’occupe de ses plants de tomates.
Deux pierres reposent sur le toit de deux cheminées comme des presse-papiers.
Ça grésille doucement du côté de la ligne à haute tension.
Un garçon de 9-10 ans (?) passe avec des raquettes de tennis.
Potager luxuriant et verger derrière.
Une grange attenant à la maison n°5.
Deux panneaux "10" : un en bois, un en métal.
Un couple de promeneurs passe. Lui a un sac à dos.
Maison derrière le verger. Le couple de promeneurs revient et demande son chemin. On n'est pas très sûr.
Le garçon fait rebondir une balle de tennis avec sa raquette.
Charles : « Julien il sait. »
Philippe : «En fait il... Vous voulez passer par le château ? »
Randonneurs : « On l'a jamais pris. »
Philippe : « Si vous voulez passer par la route il y a un petit chemin c'est beaucoup plus agréable. »
Charles : « Par Argelès c'est par là ? »
Philippe : « … »
Les randonneurs !: « On va passer par là. Si vous nous revoyez pas passer c'est qu'on est bon. »
Le bleu du ciel, George Bataille.
Julien s'est levé, se dirige vers Philippe pour lui dire quelques mots : il le dérange ? Je ne sais pas.
Numéro 5 la boîte aux lettres en face de moi.
Un enfant torse nu, six sept ans, trifouille dans le potager, par dessus le muret, puis s'éloigne, un sac de tennis en bandoulière.
Des bruits de balle de tennis projetée contre un mur, le son du tracteur qui s'intensifie,
Un portable sort ; le technologie fait son comeback.
Une boule de papier roulé entre mes doigts.
Des mouches chatouillent, des feuilles sont écrasées.
La chaussure rouge se balance.
Le retour des perdus.
Les jambes s'étirent.
Des épaules secoués de rire.
Une conversation.
Au fond de la vallée les champs jaunissent et derrière eux, avant la montée plus sombre du Hautacam, la coulée grise du gave tranche. On sent le passage violent de la crue de l’an dernier.
Une autre maison encore, des volets bleus très vifs, des paillassons s’aèrent à la fenêtre ouverte. On entend quelqu’un s’activer dedans mais on ne les voit pas. Ici je sens le vent sur mon dos et mes épaules plus que je ne l’entends. Devant la maison, à gauche de la porte en sortant, une chaise très blanche. C’est la que l’occupant doit profiter des fins d’après-midis au soleil. Elle sort, justement, pieds nus, blouse mauve, elle s’avance vers moi sur l’herbe. Elle inspecte des buissons. Je lui donne 70 ans environ. Casquette grise a rebord court, à y regarder de plus près c’est peut-être 75. Elle examine elle aussi la vallée ci-dessous, on entend passer une mobylette. D’autres voix de l’intérieur. La dame rentre, un peu voutée, elle s’appuie au chambranle de la porte pour franchir la marche.
A gauche dans la rue qui passe derrière la Mairie, un tracteur trainant un outil genre moissonneuse, plein de piques et de lames, passe en se dirigeant vers l’intérieur du village. Ca brille, couleurs vives – rouge, jaune, vert clair.
La buse passe juste au dessus en poussant des cris. On se croirait dans un film pseudo-mystique avec des vieux indiens sages et « libres ». Hugh !
De nulle part fuse un « Ca va bien, merci ! ».
L’école ressemble à une petite forteresse avec ses volets clos.
Une boîte aux lettres, collée à un tout petit bâtiment, ne semble pas à sa place, comme ça, là.
Un portillon est ouvert sur la maison en bas, où vivent le militaire jardinier et sa petite fille chantante. Mais que fait la maman ?
Une galerie de bois donne à la mairie-école de faux-airs de hourds.
Boîte aux lettres, pas de signe "pas de pub".
Comptes-rendus du Conseil Municipal du 22 mai 2014.
Pas de mariage en vue.
Une fontaine en carreaux de béton.
Roses rouges.
Un énorme tracteur passe avec soin retourneur de foins (doit avoir un autre nom).
Milan royal à à peine dix mètres au-dessus de nous.
Le câble téléphonique entre deux maisons y a t-il une discussion qui le traverse.
Petite araignée sur mon genou je l'observe avant de la chasser avec mon stylo.
Badoit.
Échec de l'épuisement du lieu.
Mais épuisement de soi.
Une fontaine est observée, bidouillé, l'eau claire tombe, des goutes s'éclaboussent dans le bassin.
L'eau tombe encore, raffraichit.
Un tracteur, des bouts de fer pointus s'apparentent à une machine de torture.
Une relecture.
Des fautes d'orthographe.
La fin qui s'approche.
La fille revient, court, ses cheveux trainent derrière.
Du mouvement, des rires, la fin. Un point.
Son voisin sort – le mari de la vielle dame – T-shirt rouge pétard. Il rentre aussitôt, je n’ai pas vu ce qu’il a fait dehors, s’il a fait quelque chose. Des portes claquent. Un âne braie.
Les ombres des petits nuages sont grandes quand elles se promènent sur la montagne en face. Les milans tournent.
Le père annonce a sa fille l’arrivée de quelqu’un sur le parking derrière la Mairie, elle accourt pour le ou la saluer, clapettes claquantes.
La cloche sonne. Il est cinq heures.
Le tracteur passe avec ce qui ressemble à une queue hérissée.
(Pause)
Un nouveau bruit de moteur fait son apparition : celui d’un scooter ou d’une mobylette.
Le porte-drapeau de la mairie est désespérément vide.
Une voiture passe avec sa famille au complet, en mode vacance activé, les vélos dans le coffre.
La petite-fille chantante, toute de rose vêtue, passe rapidement, martelant le sol de ses claquettes, roses.
Le braiment d’un âne clôt l’exercice…
Un préau. S'imaginer y faire campagne pour les municipales.
Très longue banque en béton. Qui y mettre en rang d'oignons ?
Charpente du préau d'un beau bleu-gris. Solives sous les ardoises.
L'église, clocher en carène et petit clocheton.
Une voiture immatriculée dans le Lot-et-Garonne
La petite fille repasse et saute la banque en béton avec légèreté.
Cinq heures sonnent.
Textes de Clément Mouret, Arthur Vailhé, Sylvie Arrondo, Cambria Collins, Suzanne Aigrain, Julien Moreau et Philippe Aigrain. Ont également participé à l'atelier : Manoëll Bouillet, Isabelle Meignan, Florence de la Roncière et Charles Aubert. Programmation : Philippe Aigrain